La Voix / Voie d'Edith S.

Publié le par Mérédith S. Christa D'Angelo

DES VOIX ET DES VOIES

 La Voix / Voie d’Edith S.

A l’institutrice qui a provoqué l’un des plus grands séismes intérieurs de mon enfance et à toutes celles et tous ceux qui ont connu cette fracture interne, qui n’en ont peut-être pas encore fini de la « réduire », ni de re-souder les os, ni de refermer la plaie !

 Dès ma naissance j’ai bizarrement entamé mon itinéraire. D’abord je viens au monde un mois trop tôt et, quelques jours après, j’ai déjà l’air d’en avoir assez vu et de vouloir tout quitter.

On me remet « in extremis» dans le rail de la vie et quelques années plus tard, avec la même autorité, on m’expédie à l’école.

Six ans, vêtue et chaussée de neuf, cheveux noués, une main bien calée dans la ferme poigne maternelle, les autres doigts serrant nerveusement la poignée de ce tout nouvel objet dont j’ignore s’il va devenir un compagnon aimé ou détesté, le cartable, j’avance, un peu crispée mais curieuse de la découverte : autres lieux, autres personnes.

Si donc à l’aller ça n’allait pas trop mal, mon état émotionnel était tel, au retour, que son poids est resté gravé ! Ravivé, il l’a été, chaque année, jusqu’à la rentrée 91 (1991, grand cru !).

Qu’est-il donc advenu à cette petite fille en ce fatidique jour ?

En quelques minutes elle a appris la honte et la peur. Reléguée au fond de la classe, elle s’est sentie seule au monde, proie facile des plus grands, des plus forts ; peur au ventre et tristesse au cœur !

Traitée d’idiote, d’incapable, elle a vraiment cru qu’elle était plus « bête » que tout le monde et pour ne pas mourir de honte elle a vite appris à se taire, à ne plus répondre aux questions : les livres sont devenus ses seuls amis.

A chaque rentrée, elle est retournée en classe, silencieuse et docile mais apeurée et douloureuse. Elle n’a pas tenté de se plaindre, elle n’a pas versé de larmes en public, elle a continué dans le silence, la peur, la honte, la souffrance, sans se révolter, sans jamais oser dire - alors qu’elle aurait voulu le crier, le hurler - que c’était trop, qu’elle ne voulait plus y aller !

Et voilà la rentrée 91 ! Enfin, pour la première fois, j’ai osé dire NON, je ne veux pas y aller et je n’y suis pas allée… Et j’ai remporté une des plus belles victoires de ma vie, pour ma vie : victoire sur mon passé, sur ma peur, ma honte, ma souffrance, victoire sur ma faiblesse et ma tristesse !

Attitude exceptionnelle pour une situation exceptionnelle, ne serait-ce qu’une fois dans sa vie se donner l’occasion d’un changement radical, d’une mutation profonde : une fois au moins écouter ce qui crie, ce qui pleure à l’intérieur et le prendre en compte, et s’accorder une pause réparatrice, un salutaire répit !

Elèves, étudiants, enseignants : comment a été votre rentrée dans le secret de votre cœur et de votre ventre ?

 

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